Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Anne-Marie Métailié

22,00
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17 septembre 2012

Polar dans le froid extrême

Je préfère prévenir en préambule, je risque de m'emballer de me laisser aller à de la dithyrambe. J'ai un vrai coup de coeur pour ce polar nordique -on ne pourrait plus- écrit par un Français connaissant bien la région, puisqu'il vit en Suède.

D'abord l'écriture est très simple : phrases courtes, efficaces allant droit au but. Pas d'effet de style, c'est basique -là, c'est un compliment- sans fausse note, sans faute de goût.


Ensuite, la région est formidablement décrite, entre les montagnes éternellement blanches, les lacs gelés, les tentes lapones, les élevages de rennes, ... ça donnerait presque envie d'y aller. De fait, ça accentue mon envie de visiter ces régions froides : je suis beaucoup plus tenté par la visite du nord de l'Europe que par celles chaudes et ensoleillées du sud. Olivier Truc est donc pour moi un tentateur. Le temps de chausser mes bottes et ma chapka et je suis -presque- prêt à partir.

Puis, les personnages sont bien campés, bien décrits. Olivier Truc dresse toute une galerie : le Lapon fier et combattant pour la reconnaissance de son identité, celui qui ne sait plus s'il est vraiment un Lapon ou un Suédois (Kelmet, le flic), celle qui prend fait et cause pour eux (Nina, l'autre flic) et les racistes en tout genre qui ne sont pas l'apanage de la Suède, on a tous autour de nous des crétins de ce genre. Pas de caricature c'est malheureusement une triste réalité que l'auteur décrit, entre une montée des revendications pour une reconnaissance des minorités et l'envolée des thèses racistes et de défense d'une civilisation qui serait "supérieure" : "Les Samis sont la dernière population aborigène d'Europe. La façon dont on les traite et dont on traite leur culture et leur histoire, en dit long sur notre capacité à appréhender notre histoire." (p.134) Je ne connaissais rien des Samis ou des Lapons. Je ne savais pas à quel point ils avaient été eux aussi persécutés par les pasteurs protestants afin de renoncer à leurs pratiques rituelles et épouser la religion. "Pendant des décennies, les pasteurs suédois, danois ou norvégiens nous ont pourchassés pour confisquer et brûler les tambours des chamans. Ça leur faisait peur. Pensez donc, on pouvait parler avec les morts ou guérir. Ils en ont brûlé des centaines, des tambours." (p.41) Je ne savais pas non plus qu'ils faisaient toujours l'objet d'un racisme quotidien, d'une sorte de complexe d'infériorité. Certains d'entre eux sont encore marqués par cette religion qui les a brimés, les a empêchés de vivre selon leurs principes et préceptes. Certains sont toujours sous la coupe de l'église ou de la secte laestédienne, puisque leurs parents ou grands-parents ont été convertis par le pasteur Lars Levi Laestaddius lui-même ou par ses disciples (voir ici et là deux liens vers des articles concernant cette religion et les hommes censés la faire appliquer, dont un article signé Olivier Truc).

Enfin, l'intrigue ou devrais-je dire plutôt les intrigues. Il est malin Olivier Truc. A la manière des polars nordiques très en vue ces dernières années, son héros de flic va lentement : "Mais moi, j'avance sur des faits. Et ça prend du temps. Si tu veux de l'action, va donc rejoindre Brattsen, il est moins pointilleux que moi. Il arrête d'abord, il pose les questions après. J'avoue, j'ai tendance à prendre les choses dans l'autre sens." (p.326). Plusieurs pistes s'ouvrent à lui, il les suit. Il n'est pas persuadé que le vol et le crime soient liés, il vérifie donc tous les indices. Quitte à se dédire ensuite si les faits prouvent le contraire de ce qu'il croyait. Il est tenace et sa collègue itou. Elle le soutient, le seconde et parfois même le devance dans ses déductions. M'étonnerait pas qu'ils reviennent pour d'autres aventures ces deux-là ! Parce qu'en plus, Olivier Truc, il lâche des bribes sur leurs vies personnelles, mais rien de trop, juste de quoi appâter le lecteur -et ça marche, je suis sans doute une proie facile, mais je ne dois pas être le seul à m'être fait prendre.

Un bonus supplémentaire pour la toute fin que je ne raconterai pas évidemment -même sous la torture, je ne dirai rien. Niet ! Nada ! (je me mets à la langue, une partie de la Laponie est russe). Très bien vu donc ce final qui appelle une suite et qui ne mâche pas tout le travail : le lecteur est mis à contribution.

Vachement -rennement plutôt- bien ce polar dans lequel en plus de suivre une passionnante enquête on apprend plein de trucs (pardon Oliver, mais j'étais obligé. On a dû vous la faire dix mille fois, mais moi, c'est la première. Suis-je pardonné ?). Moi, un polar qui m'instruit et me distrait, non seulement je dis oui, mais en plus je vous le conseille très très fortement.

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17 septembre 2012

Coup de coeur réjouissant et optimiste

Quel charmant roman ! Un moment de félicité dans ce monde de brutes. L'ambiance est joyeuse du début à la fin, c'est un roman qu'on lit le sourire aux lèvres. Jamais mièvre pourtant, plutôt positif ! Alors, on se prend à rêver de vivre dans une telle maison, où rien n'est source de conflit, où tout est débattu en groupe ou en simple tête-à-tête.

Sous couvert de légèreté, Francis Dannemark (qui, comme son nom l'indique est... belge), aborde des thèmes sérieux : l'amour, la mort, la solitude, la peur de vieillir, celle de finir seul(e), l'amitié (entre hommes et femmes notamment). Ces hommes et ces femmes sont à un tournant de leur vie et décident de s'arrêter un instant pour en faire un bilan, pour savoir s'ils continuent de la même manière ou s'ils changent un peu ou totalement.

Deux passages résument parfaitement ce livre : "Il songea à ce qu'un vieux libraire lui avait un jour expliqué : la poésie, ce sont des répétitions -des mots qui reviennent, des sons- et quelques variations ; une vie poétique, c'est la même chose : des rites, des habitudes, des gens et des saisons qui reviennent, avec quelques variations, bien sûr et des surprises..." (p.134/135) et "La solution n'est pas dans les objets." (p.183) Discours totalement à l'opposé des standards actuels : aujourd'hui où il est de bon ton de tout tester, de faire des expériences, de posséder. L'avoir plus que l'être ! Ce livre est celui sur l'amitié qui dure, que rien n'use. Sur les relations entre des personnes.

Et puisqu'il y est beaucoup question de cinéma, de la même manière qu'on parle de film choral, je pourrais dire que c'est un roman choral, un roman de copains. Un film -ou plutôt deux- pourrait venir à l'esprit immédiatement -l'auteur en parle d'ailleurs-, mis à part qu'il y est question d'hommes plus que de femmes : ce sont Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis de Yves Robert. Même atmosphère, même sourire en voyant les personnages, même plaisir à les voir et même serrement à les quitter.

Parlons maintenant de la forme. Construit en petits chapitres, ce roman peut se prendre et se poser rapidement : on lit un chapitre, on rit, on repose et on refait cela un petit moment plus tard. L'écriture est humoristique, simple et accessible. Tout est là pour faire passer un excellent moment au lecteur. Pari réussi pour moi. En plus, à la fin, il y a un rappel des principaux personnages rapidement décrits (fort utile lorsqu'on est perdu dans les prénoms) et une dizaine de pages répertoriant les films dont Jean-François parle, les livres et les sites utiles pour les amateurs de cinéma.

Pour conclure, un avertissement : ouvrir ce roman procure des sensations de joie et de bonheur. La maison, qui est le véritable personnage principal de ce roman est un hâvre de paix, une oasis de bonheur dans laquelle lenteur, rires, tendresse, gestes attentionnés, écoute des autres sont les maitres-mots.

Vous l'aurez compris, je ne suis absolument pas objectif et ce livre qui semble être une joyeuse plaisanterie pourrait bien être plus profond qu'il n'y paraît et drôle et bien écrit. Et en plus, il a un très joli et long titre.

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3 septembre 2012

C'est un roman éprouvant, qui ne cache rien, qui crûment dit les choses et qu'il peut être bon de réserver à un public point trop pudibond ni trop jeune. Mais malgré des longueurs, des répétitions et des redites (peu, certes, mais une petite cinquantaine de pages du milieu es un peu superflue) c'est un bouquin qui accroche. Pas gai, certes, un peu pleurnichard par moments, mais la situation peut expliquer cette tendance. Pas d'effet de style, pas de tournure alambiquée, la phrase va au plus juste et au plus court.

Peu de description : on sait que l'homme est blond, bouclé, assez grand et beau, mais on apprend assez loin dans le livre (à la moitié à peu près) que la narratrice est une jeune femme élégante et assez jolie. L'essentiel du texte s'attache aux personnalités, aux relations entre les divers personnages, notamment celles de la narratrice avec son amie Alison, avec ses parents et bien sûr à la relation entre elle et cet homme. Et puis c'est aussi une sorte de journal intime, une réflexion sur elle-même, une autocritique sur sa dépendance. Elle écrit comme si elle avait vécu tout ce temps en dehors de son enveloppe charnelle. Comme si son corps posait des actes, mais que son esprit ni ne les approuvait ni ne les vivait réellement. Il les observait du dessus, sans les juger, juste en les notant, les actant.

"Il ne revint pas, il ne revint pas et il ne revint pas. [...] Au travail, je dupais tout le monde. C'était stupéfiant. En apparence, je ressemblais à moi-même, et je m'exprimais comme elle. Je mangeais ce qu'elle mangeait. Je portais ses affaires, même si je n'en aimais pas certaines. Je mettais même son maquillage. Mais à l'intérieur, je pataugeais. Pas facile dans ces conditions d'utiliser mon ordinateur et de répondre au téléphone, mais je me débrouillais. Je ne savais pas combien de temps je pourrais continuer comme ça." (p.171)

La construction du livre par petits chapitres permet de le prendre et le poser rapidement pour des temps de micro-lectures. Intéressant et intelligent, car on peut souffler entre deux chapitres lourds. Chapitres dont les titres commencent quasiment tous par "je" : ""J'accepte les choses aveuglément", "Je trouve que la taille compte", "Je garde le contact", ..., sauf un seul intitulé : "Mon timing est parfait".

Un roman sombre, pas facile, mais très bien construit et qui a le grand mérite de mettre le doigt -encore que le doigt d'un roman, je me demande si l'image est claire- sur une situation dramatique : encore 146 personnes en 2011 sont mortes, en France, sous les coups de leurs compagnons. Terrible constat !

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3 septembre 2012

Le moins que je puisse dire c'est que Patrice Delbourg n'a pas une écriture commune et courante. Son texte d'un style littéraire haut de gamme, franchement élitiste est magnifique. Quel dommage qu'il soit constamment émaillé de mots de moi totalement inconnus. Environ un par page ! Conseil avisé : lire avec un dictionnaire à portée de main, mais attention, préférer le Littré au Petit Robert, car dans ce dernier, certains mots ne sont pas répertoriés. Une lecture, qui malgré des tournures de phrases travaillées, très belles et vraiment plaisantes en devient "canulante" (p.11) à force d'usage de mots savants, peu usités, voire plus du tout, sauf par l'auteur lui-même.

C'est coincé entre les murs de la maison -je ne suis pas sûr de pouvoir ici user du mot "bajoyers" (p.12) qui s'applique plutôt aux écluses et aux ponts- pour cause de mauvais temps (étonnant cet été, n'est-il pas ?) que je me lance dans la lecture de ce roman. Mais quelle mouche m'a donc piqué ? J'aurais dû, avant de débuter, faire "propédeutique" (p.10) en lettres. Il y est question de voile qui "faseyait au vent" (p.9) (pléonasme ?), de "biffons" (?) (p.14), de "portulan" (p.18), de "poliorcétique" (p.23) ou encore d'"elzévir" et de "garamond" (p.37).

Rassurez-vous, je ne vous ferai point un "épitomé" (p.33) ou un "spicilège" (p.19) de ce livre, parce que d'une part, j'ai arrêté de noter les mots auxquels je n'entrave que dalle à la page 50, et parce que d'autre part, mon "dictame" (p.48) personnel fut de stopper ma lecture avant la fin. Je n'en suis pas au point de préférer un "antiphonaire" (p.38) -surtout lorsqu'on connaît mon anticléricalisme-, mais j'avoue avoir pensé à "l'estrapade" (p.49) -en fait, je déconne, je ne connaissais ni le mot ni le principe.

Loin d'être un "pouacre" (p.39) vivant dans une "sentine" (p.50), je me suis pourtant senti puant de manque d'instruction, de savoir, un vrai blaireau, quoi ! Un putois ! Ragaillardi par le fait que je ne trouve pas toutes les définitions des mots dans le dictionnaire, et ayant troqué la grimace pour un rictus ironique aux coins des "badigoinces" (p.44), je me suis dit :

"Mon petit gars (et oui, quand je me parle, je m'appelle "mon petit gars", parce que si je dis "ma petite fille", ça m'excite et après je ne sais plus ce que je devais écrire ; ça, c'est du pompage -si je puis m'exprimer ainsi- du regretté Pierre Desproges), tu vas noter tous les mots que tu ne piges pas et tu vas faire ton billet en les incluant dedans. Pas chouette comme défi ça ?"

C'est donc tout gonflé de fierté, par ma relative réussite, (je dis "relative", car je ne suis pas certain de ne pas avoir détourné quelques sens malgré moi) mon "vertugadin" (p.22) des chevilles, que j'achève cet article & -"esperluette" (p.33)- que je peux enfin citer l'auteur : "Excédé jusqu'à défaillir par un funeste souvenir d'ânonnement scolaire au tableau noir, il pourfendait ainsi d'un coup de Laguiole une arborescence d'Arsène Houssaye, un surgeon d'Henry Bordeaux, déjà bien encombré d'un salmigondis d'affèteries" (p.31)

Alors, pour ne point être trop mauvais, voire jaloux, mauvaise langue et totalement inculte, je préfère reprendre le compliment sus-cité et le renvoyer à l'expéditeur: "Monsieur Delbourg, vous voici pris en flagrant délit d'affèterie !"

roman

Albin Michel

22,50
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3 septembre 2012

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Karen Russel a de l'imagination et un talent certain pour la mettre en scène, pour raconter les aventures des ses héros, toutes aussi inventives et originales les unes que les autres.

Le contexte géographique est très présent, lourd, chaud, sec et poisseux et marécageux. Les Everglades. Le parc des alligators rajoute, pour nous lecteurs européens, une touche d'exotisme et de danger supplémentaire.

"- Les alligators ne sont pas des animaux de compagnie, me répétait le Chef. C'est un estomac dans une valise en cuir. Un alligator ne te rendra jamais ton affection.

Et pourtant je les aimais ! J'avais peur aussi de leur regard d'extraterrestre et de leurs brusques pointes de vitesse." (p.25/26)

Dans ce roman, c'est Ava, la petite dernière de treize ans qui s'exprime ; elle est la seule susceptible de sauver Swamplandia de la faillite et de la disparition. Puis, lorsque les membres de la famille s'égaillent chacun de leur côté, l'auteure alterne les chapitres "Ava" (à la première personne) et les chapitres "Kiwi" (à la troisième personne). Bien vite, ces derniers m'ont paru plus intéressants (et pas uniquement parce que j'adore les kiwis, d'ailleurs cette année, il ne faut pas que je rate la saison de cueillette, je l'ai ratée l'an dernier et je n'ai pas eu ma dose hivernale de fruit vert, ceci expliquant peut-être cela - oui, c'est un jeu de mots facile (Kiwi/kiwi) et même pas drôle, mais même Karen Russel le fait une fois dans son livre, alors pourquoi pas moi ? Hein ?), les autres concernant Ava et Ossie devenant longs, peu rythmés et un rien ennuyeux. Puis, petit à petit, les passages parlant de Kiwi prirent le même malheureux chemin et si vous avez tout suivi, c'est donc le livre en entier qui devint longuet. J'ai lu vite, en diagonale, passé certains paragraphes pour prendre plus de temps sur d'autres plus attirants, car il en recèle de très bons.

Pas le roman de la rentrée litéraire pour moi donc, même si je comprends aisément que certain(e)s lecteurs (trices), contrairement à moi entreront dans cette histoire et y trouveront matière à satisfaction voire beaucoup plus. Mais que voulez-vous, je suis un éternel insatisfait, grincheux, grognon. Un homme quoi !