L'hiver des hommes

Lionel Duroy

Julliard

  • Conseillé par
    3 janvier 2013

    L'horreur en héritage

    Comment peut-on construire un avenir sur les ruines encore fumantes d'une guerre perpétrée par la génération précédente ? Telle est la question qui hante Marc, écrivain Français fasciné par le destin des enfants de criminels de guerre. Sans relâche, il interroge, compare, compulse, relie les destins de ces innocents aux mains pourtant pleines.

    De Belgrade à Pale, minuscule capitale serbe de Bosnie, Marc se confronte aux ombres du passé et aux fantômes de sa propre histoire. Car L'hiver des hommes est aussi celui de son couple, parti à la dérive. Alors Marc s'accroche coûte que coûte à ces vies brisées, à ces âmes blessés, même lorsque Boris son fidèle traducteur déclare forfait. Reconstituant pas à pas, les dernières heures d'Ana — enfant chérie de Ratko Mladic, commandant en chef des forces serbes de Bosnie à qui le massacre du marché de Markale fut attribué. La douce, la jolie Ana, incapable de reconnaître son père dans le bourreau décrit par les médias internationaux et qui se suicida avec l'arme de celui-ci.

    La plupart de ceux qui sont encore en vie se consument toujours de haine pour l'autre, le musulman, le bosniaque, le frère, le voisin devenu l'ennemi irréductible. "Ici, les gens ont cru qu'ils pourraient échapper à leur histoire, ils se sont aimés, ils ont eu des enfants, mais soudain ils se sont souvenus qu'ils avaient des raisons de se craindre, de trembler à la vue l'un de l'autre. Ils ont été troublés puis emportés petit à petit par la mémoire de ce qu'ils se sont faits, autrefois (...) et bientôt ils se sont découverts ivres de haine et de peur, et alors ils n'ont plus vu d'autres issues que de recommencer à se jeter les uns contre les autres" (p. 189). Ce qui s'est passé hier, peut recommencer demain. La fin de la guerre ne signifie pas la fin de la haine. Le constat de Marc comme l'écriture de Lionel Duroy est limpide et implacable, froid comme l'hiver bosniaque, l'hiver des hommes, le gel des sentiments.


  • Conseillé par
    27 octobre 2012

    guerre, Serbie

    Voilà un roman qui fait froid dans le dos...

    Il est question de la guerre en ex-Yougoslavie, bien sûr, mais surtout des rencoeurs du peuple Serbe depuis leur indépendance.

    Au travers des personnages rencontrés, l'écrivain Marc dresse un portrait d'une génération qui vit dans la peur : peur de La Haye et de son Tribunal Pénal International ; peur des Musulmans de Sarajevo qui, d'après eux, s'équipe et s'entraîne à la prochaine guerre. Mais aussi colère que leur guerre n'ait pas été comprise par la Communauté Internationale et que leur "Héros" soient pourchassés comme des criminels.

    Ce petit état Serbe, maintenant indépendant, qui refuse de voir qu'ils manquent de tout (véhicules, nourritures) et qui vit dans le passé glorieux des grandes heures de la guerre, allant même jusqu'à inventer le meurtre d'Anna Mladic, la propre fille du général.

    Marc, lui, penche plutôt pour la thèse du suicide, ce que corroborent l'enquête officiel ainsi que tous les faisceaux d'indices.

    Réglements de compte et "accidents" sont monnaies courantes, seule Julica, indifférente, semble tirer son épingle du jeu.

    Je suis sortie de cette lecture fourbue et mal à l'aise devant ces hommes "d'un autre temps" qui sont en train de gâcher l'avenir de leurs enfants. Même la dernière phrase, à l'accent irréel, ne m'a pas permis l'espoir.

    L'image que je retiendrai :

    Celle de la montagne sous la neige sur laquelle tente encore de subsister l'Etat Serbe.

    http://motamots.canalblog.com/archives/2012/10/22/25370252.html