Moi qui suis née à Varsovie
EAN13
9782841874200
ISBN
978-2-84187-420-0
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
ARTS ET SPECTAC
Nombre de pages
345
Dimensions
24 x 15,5 x 2,8 cm
Poids
600 g
Langue
français
Code dewey
791.43
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Moi qui suis née à Varsovie

De ,

Préface de

Archipel

Arts Et Spectac

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eISBN 978-2-8098-1488-0

Copyright © L'Archipel, 2002.

À Alice,
notre petite-fille, qui a aujourd'hui
l'âge de mes premiers souvenirs

Préface

Elle a surgi parmi nous voici un peu plus de vingt ans, venue d'une Pologne encore aux mains des commissaires aux mains sales. Comme un oiseau des tempêtes mais pas résignée pour un sou. Prête au combat pour la libération des enchaînés – qui n'étaient pas tous à l'Est, et ne sont pas tous, aujourd'hui, dans les « quartiers difficiles » ou les bidonvilles d'Afrique.

Anna comme la violée magnifique de Don Giovanni, comme la Magnani, indomptable, et assurée de pouvoir clamer sa revendication, avec cette voix claire et voilée tour à tour, et chaude, et stridente jusqu'au cri. En voilà une qu'ils ne feront pas taire, derrière leurs grillages, avec leurs matraques et leurs coffres-forts ! Et leur si bonne conscience, ô Empire du Bien...

Elle est née en Pologne d'un père d'origine mi-juive, mi-tzigane et d'une mère très noble et même un peu princesse. Le père, résistant, est arrêté par les nazis et assassiné. La mère, inapte à gagner sa vie, deux filles sur les bras, fait des ménages. Elles survivent. Pour Anna, c'est la musique ou le théâtre. Elle n'a alors pas de voix, mais un professeur-sorcier-sourcier la fera jaillir un jour... Elle étudie à l'École Chopin, chante dans un cabaret-théâtre de Varsovie, reçoit une bourse pour travailler le chantà Berlin-Est, où elle rencontre un « patron » exceptionnel, Felsenstein, qui libère son personnage et lui fait chanter Kurt Weill et Verdi, Bizet et Puccini. Et c'est là aussi qu'elle rencontre son mari, Jean Mailland, devenu son meilleur auteur de chansons.

Il y a en elle de la vamp et du gavroche, un oiseau, un nuage, du vent et du rire, et tout ce qui nous parle de liberté, celle qu'on va chercher à la racine des choses, entre deux interdits, et deux visas refusés, entre un hôtel minable et un auto-stop du côté du rideau de fer, un censeur à binocle et un imprésario stupide.

L'ayant admirée dans un film de Fellini, je l'ai d'abord rencontrée devant les micros et les écrans de télévision pour une émission où je l'avais conviée, terrorisée par le direct, et faisant de sa peur un coup de fouet pour le génie. A-t-elle jamais mieux chanté Surabaya Johnny que ce soir-là, oiseau mouillé, toute vibrante de bravoure, la voix rongée d'angoisse tendue et basculant d'un coup de la peur à la passion d'amour ?

« Dans Sweet Movie de Makavejev, je jouais une révolutionnaire qui citait Reich et montait à l'assaut de la citadelle du sexe. Le sexe, il paraît que c'est contre-révolutionnaire. Oser citer Reich plutôt que Marx ! Fichu goût. Après ça, il a fallu que je joue une trotskyste dans Dossier 51 de Michel Deville. Une obstinée, hein ? »

Elle parle assise de guingois sur le canapé un peu râpé de son appartement très simple, une casquette sur la tête, et sous la visière il n'y a que les yeux immenses, les yeux démesurés, couleur de mer, et trois mèches de paille qui se glissent entre la visière et les cils, et là-dessous une bouche de vie, pour rire et crier. Un visage comme celui-là, tout pétri de joyeuses souffrances, c'est le masque de la tragédie moderne, toute nue, tournoyante d'ambiguïté. Et encore cet accent qui vient de l'Est avec la rocaille et des sanglots, et du rire et de l'audace.

Quand on m'a proposé d'écrire ce petit avant-propos, je n'ai répondu oui que pour pouvoir parler d'elle – ce cri vivant. Mais la lecture de ses palpitants souvenirs impose une autre présence, celle de la Pologne, du peuple polonais, d'une intelligentsia jaillissante et rebelle, de rapports humains incroyablement libres sous la botte. Le livre, il faut le lire pour elle, et pour Jean. Mais aussi pour eux, ces êtres libres...

Qu'est-ce qu'elle a, qui n'est pas simplement d'être belle ? Un don de vie, d'une vie menacée, défendue et livrée à la fois. Cette minceur vibrante, ce regard qui s'ouvre bien au-delà des choses, des gens, ce regard solidaire. Cet air de dire : « M'aimez-vous ? », mais qui dirait aussi : « Si vous ne m'aimez pas, allez vous faire voir... » Autant d'insolence que de tendresse, et de refus de s'incliner. Et de se prendre au sérieux. Elle préfère se prendre au tragique – à condition d'en rire.

Dans ce monde d'aujourd'hui où l'on ne sait pas trop par où passent les frontières et où sont les vrais assassins, il est bon qu'un chant très pur s'élève, qui ne s'évalue pas en dollars mais en bonheurs donnés et en malheurs refusés. En heures de liberté exigées et conquises.

Anna résume ces exigences et ces conquêtes. Douloureuses souvent pour elle, mais pour nous comme autant de cadeaux.

Merci, la fière, l'indomptable...

Jean LACOUTURE

Traduction de la lettre.

Cette lettre administrative eut au moins l'avantage de provoquer en moi le désir de me souvenir. Je ferme les yeux et j'essaie de me replonger dans ma mémoire, ou dans manon-mémoirecomme on dit en polonais. J'essaie de me souvenir de la première image. À partir de quel âge enregistre-t-on les premières images ? Qu'en reste-t-il et pourquoi celles-ci ?

Apparaît un premier souvenir, une première émotion, et ensuite tout se déroulerait comme un film, tout s'enchaînerait, prendrait un sens.

De quoi te souviens-tu ? Tout ce dont je me souviens, est-ce que je m'en souviens ? Ou bien est-ce qu'on te l'a raconté ? Quand les autres parlent de toi, de moi, est-ce que j'ai vécu tout ça ?

Moi, je me souviens que j'ai eu une enfance heureuse.

Avant-propos

LETTRE À DEUX VOIX

Ce livre n'est pas ma biographieécrite par Jean Mailland, qui pourtant me connaît plus que tout autre.

Je suis comédienne et je suis chanteuse, je peins beaucoup, il m'arrive même d'exposer. Il paraît que j'ai du talent et que je pratique convenablement mon métier, ce qui est pour moi la moindre des choses.

Mais je ne suis pas un écrivain, surtout pas un écrivain de langue française.

Pourtant, ces souvenirs, ces mémoires, j'ai souhaité les écrire moi-même, à ma manière, dans mon français. Le procédé n'était pas simple pour celui qui avait accepté de me seconder dans cette expérience.

J'ai d'abord écrit en polonais. Le soir, je traduisais à Jean en français et, le lendemain, je me battais pour que sa retranscription soit la plus proche possible de la langue polonaise. Sachant que cela était quasiment impossible, je suis devenue entêtée, j'ai commencé à avoir mauvais caractère, à abuser de la vodka, à défendre chaque mot, à surveiller chaque phrase pour que ceux qui me connaissent me retrouvent telle que je suis et que ceux qui ne me connaissent pas me découvrent.

Je parle de mes années en Pologne, celles de mon enfance et de ma jeunesse. Ce sont des récits, des anecdotes, des confessions parfois intimes, même impudiques. J'ai ressenti le besoin de les écrire, je vous les offre sans regret, avec amour.

Anna PRUCNAL

J'ai essayé de transmettre en français la manière de s'exprimer d'Anna, sans gommer sa personnalité, l'originalité de ses récits, sa polonité et ses polonismes. J'ai tenté de préserver le son d'une voix, faire qu'en lisant on ait le sentiment de l'entendre conter à haute voix sa vie.

Cet exercice de compagnonnage littéraire fut pour moi, qui l'ai mise en scène au théâtre, dans ses spectacles ou dans des films et qui ai écrit la plupart de ses chansons, un plaisir, une découverte, une nouvelle rencontre. Il m'a fallu me plonger dans ses souvenirs, dans son intimité, dans sa mémoire et dans l'histoire de la Pologne, la regarder écrire comme je...
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