L'Atlas des inconnus, roman

Tania James

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    27 août 2010

    Nul n'est prophète en son pays

    « En vérité, je vous le dis, nul n’est prophète en son pays ». En Inde, dans la famille Vallara, on est chrétiens et c’est peu de dire alors que, perdu dans l’immensité hindoue, le livre des livres révèle « la bonne parole ».

    Avec ses deux filles, Linno et Anju, et sa mère, Ammachi, Melvin tente de survivre comme il le peut dans une société dominée par un système de castes qui à défaut d’être encore légal reste la réalité des esprits. Gracie, sa femme, s’est noyée quelques années plus tôt et la présence de son absence est encore trop forte.

    Quand Linno perd sa main droite suite à l’explosion d’un feu d’artifice, elle réapprend l’usage de sa main orpheline pour devenir une dessinatrice adroite, quand Anju, sa petite sœur excelle dans les matières académiques. Son intelligence, vaut à la cadette d’être remarquée pour l’obtention d’une bourse d’études en Amérique.

    « Etre brillant, c’est imposer sa vision au monde. Etre doué, c’est simplement emprunter à quelqu’un de plus doué que soi ». Et Anju peine à trouver sa propre voie. Elle, l’usurpatrice, souffre de ne pouvoir offrir au monde que la pâle réussite de la bonne élève, quand quelque part, Linno la créative empile les dessins dans son carnet. Alors il lui vient une idée. Pour remporter la bourse, elle doit montrer sa singularité. Elle emprunte à sa sœur ses cahiers et fait passer pour siens les dessins de Linno.

    « La différence entre une Lady et une petite marchande de fleurs, ce n’est pas comment elle se comporte mais comment elle est traitée ». Anju la douce remporte la bourse et s’envole vers New-York laissant derrière elle une partie d’elle sans être certaine de la retrouver.

    « Une ville appartient à ceux qui sont là pour la voir changer ». Pendant son séjour dans sa famille d’accueil, l’écolière repense à sa ville, sale, surpeuplée, dopées à la surconsommation, corrompue, mais la sienne, alors qu’à New-York, tout lui semble étranger, à commencer par elle-même. Elle n’est alors plus ici et pas tout à fait ailleurs.

    « Toutes ces pièces sombres rappelant les enfants et petits-enfants, ces générations qui ne sont pas là pour les remplir ». Alors qu’Anju rebondit de prétextes en excuses pour que personne ne remarque sa tricherie, en Inde, sa sœur se retrouve sur le marché des femmes à marier. Des entremetteurs lui trouvent des célibataires à épouser sans que Linno n’abandonne l’idée que l’union avec un homme est d’abord celle de l’amour de deux êtres, et pas de deux intérêts.

    « Jusqu’à présent il a cru qu’un garçon devenait un homme avec les années (…) comme un galet lissé par l’océan. (…) Un homme se fait par une suite de moments, une évolution par à-coups ». Démasquée, Anju s’enfuit et se cache dans les tréfonds de New-York où elle est accueillie par une vieille amie de sa mère, qui la prend sous son aile. A des milliers de kilomètres de cela, Melvin oublie son vœu de ne jamais aller en Amérique, et découvre alors dans ses faiblesses sa propre grandeur de père, tandis que Linno met de côté la trahison de sa sœur. Ensemble ils cherchent par tous les moyens comment ils peuvent la retrouver.

    « Il n’y aucune logique. C’est totalement au hasard. Et là où il y a du hasard, il y a de place pour la religion ». Las, les visiteurs le racontent, l’Inde marque à jamais de son empreinte indélébile. On peut y aller, mais difficile de s’en sortir. Malgré leurs supplications, leur débrouillardise et leurs sacrifices, ni Melvin, ni Linno ne parviennent à sortir du pays. Quand l’enfant prodige se fait aussi prodigue…

    « Une personne compte plus par son absence que par sa présence ». Namaste.

    (Les phrases entre guillemets sont extraites de ce livre qui paraît en cette rentrée littéraire automnale chez Stock)