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29 août 2010

Un combat social

Monsieur Ray French,
Sachez tout d’abord que vous avez un très beau nom. Il n’a pas dû être facile à porter au Royaume-Uni. En France, c’est votre prénom qui vous aurait coûté.

Si je vous écris, ce n’est pas pour féliciter vos aïeux d’avoir ainsi brandi par leur patronyme leurs convictions républicaines face à la dictature monarchiste des Windsor, usurpateurs devant l’éternel comme on le sait depuis la lecture d’Intrigue à l’anglaise d’Adrien Goetz.
J’avais déjà remarqué votre livre lors de sa première parution en France l’an passé. Le pitch de l’histoire m’avait plu : « un homme s’enterre dans son jardin pour protester contre la fermeture de son usine ». Cela sentait bon la lutte des classes. J’avoue tout de même avoir préféré la couverture de la grande version que la petite, voir ci-dessous.


Les choix de l’iconographie ne vous concernent pas, j’imagine. Ceux de l’histoire, oui par contre. On connaissait la prise d’otages des patrons, la menace de l’explosion de l’usine, les manifs, classiques, mais l’enterrement vivant, voilà qui fait sensation. Je me demande si quelqu’un a tenté le coup dans la réalité. Sûr qu’il aurait autant de succès que ce pauvre Aidan Walsh. Vous savez vous ? Si tel est le cas, merci de m’envoyer l’adresse du cimetière.
Le problème c’est comment on fait pour s’en sortir si la direction de l’usine ne donne pas signe de vie et ne réagit pas à cette pression ? Dans les conflits, souvent, c’est la porte de sortie qui est la plus difficile à trouver. Pour Aidan, vous le faites participer aux élections. Un péquenot pour représenter les péquenots, cela aurait pu marcher. Las, la réalité de la politique échappe aux amateurs qui, forts de leur idéalisme, ne font pas le poids face aux roublards professionnels.
Enfin, vous commencez votre livre par une mise en exergue par une phrase de Margaret Thatcher : « Un homme de vingt-six ans qui prend encore le bus peut considérer sa vie comme un échec ». C’est beau. En France, quelqu’un a dit la même chose, à propos d’une Rolex et d’un homme de cinquante ans. C’est peut-être le même homme. Il a 24 ans de plus. Il prend le bus quand il rend compte qu’il a oublié sa Rolex. Dépité, il regard par la fenêtre de l’autobus, scrutant un espoir incertain et il lit sur une affiche collé à la fenêtre d’une maison : « La politique peut aussi être l’art de l’impossible ». En effet, à quoi bon élire des gens pour réaliser le possible, ce que tout le monde pourrait faire. Peut-être que l’on devrait imprimer cette phrase de Vaclav Havel sur les cartes d’électeur, comme un rappel de cuti.
Pour vos bons mots, pour vos personnages sympathiques, pour cette histoire qui a filé entre mes doigts en trois soirs, Monsieur French, je vous remercie.

comment la civilisation capitaliste a détruit le pays le plus riche du monde

La Découverte

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29 août 2010

Nauru ou le syndrome hollandais

C’est une histoire formidable que nous raconte Luc Folliet dans son livre « Nauru, l’île dévastée », paru chez La Découverte. L’auteur raconte par le détail l’aventure post-coloniale de Nauru, petite île du Pacifique pas plus grande qu’un point, un pixel si vous êtes d’jeun, sur une carte.

L’île compte aujourd’hui un peu moins de 14.000 habitants sur 21 km2. L’île serait restée anonyme ou presque si elle n’avait pas été riche en phosphates.

La malédiction des matières premières

Après la seconde guerre mondiale, l’agriculture mondiale a besoin d’engrais à base de phosphates pour enrichir ses champs. Elle va le trouver à Nauru qui devient une usine d’extraction à ciel ouvert. Pendant deux décennies, l’île va se retrouver dans l’opulence des recettes liées au phosphate. Ses élus investissent une part de cette manne dans d’innombrables programmes immobiliers à travers le monde. Las, une part de cet argent sera détournée soit par les responsables politiques eux-mêmes, soit par des conseillers peu scrupuleux. Les investissements malheureux se multiplient. Pendant ce temps, les naurans se sont habitués aux fastes. L’Etat leur paie des employés de maison pour faire le ménage chez eux. Plus personne ne se déplace à pied pour préférer l’usage des 4*4 qui arrivent par bateaux entiers sur l’île. Quand les mines de phosphate s’éteignent, l’île est exsangue, endetté jusqu’au cou, avec une population diabétique au possible sans système de soins adapté à ces nouvelles pathologies.

Avec la précision du documentaire et une narration journalistique, Luc Folliet nous offre un ouvrage essentiel à rapprocher avec celui de Jared Diamond, Effondrement. D’aucuns y verront la gabegie du système capitaliste, pourquoi pas, surtout cela démontre une nouvelle fois la malchance de disposer de matières premières en abondance. Ce syndrome hollandais touche la quasi-totalité des pays bien pourvus en la matière où la corruption fait son lit sans paresse.

roman

Points

9,40
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29 août 2010

Soyez sympas, rembobinez

1988. Un jour quelconque. Jeff répond à son épouse au téléphone et meurt. Pour mieux se retrouver en 1963.

C’est le début de son premier Replay qui l’amène à revivre sa vie précédente tout en pouvant modifier quelques uns de ses paramètres. Il s’essaie alors à devenir riche en misant sur des chevaux, la victoire de certaines équipes de football… Alors que le 22 novembre 1963 s’approche, Jeff va à Dallas pour tenter de déjouer le complot contre JFK. Las, si Lee Harvey Oswald est arrêté, un autre tireur prend sa place. 25 ans après son premier replay, Jeff meurt une nouvelle fois d’une crise cardiaque, et recommence sa vie au même endroit. Avec Pamela, une autre replayeuse qu’il rencontre fortuitement, Jeff tente de démonter les raisons de ses replays.

Le livre, sorti aux USA en 1988, vient de faire l’objet d’une édition collector en poche chez Points. Il pose la question à chacun de nous de savoir ce que nous changerions dans notre vie si nous avions à la revivre. De cette réflexion peut dépendre le sens de notre existence nous conduisant à abandonner la posture pour la droiture d’être maître de son propre destin.

Ma vie est une expérience

Éditions Jacqueline Chambon

18,30
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29 août 2010

Un livre expérimental au sens propre

Bonjour A.J.

Je viens de tourner la dernière page de ton livre « Journal d’un cobaye ». Total respect. Pendant près d’une année, tu as décidé de te livrer à des expériences toutes aussi farfelues les unes que les autres.

Petit résumé :

- Ma vie dans la peau d’une jolie fille. Où tu trouves que ta baby-sitter est super-canon, et que ce serait bien qu’elle trouve un petit-ami, (je crois que l’erreur est là en fait AJ). Tu te fais passer pour elle, avec son accord, sur des sites de rencontres et tu réponds aux messages des prétendants, éliminant sans pitié les hommes aux chapeaux, ou ceux qui n’ont pas confiance en eaux. Tu décides aussi de qui elle va rencontrer. Et cela pendant près d’un mois.

Babysitter

- Ma vie délocalisée. Ici c’est une adaptation du best-seller de Thomas Friedmann, la terre est plate, où l’auteur explique que finalement nous n’avons jamais été aussi proches les uns des autres et que les activités de service vont progressivement être délocalisées. Ce que l’on peut constater dans les centres d’appels, le monde de l’animation… Pendant ce mois, tu demandes à tes assistantes de gérer ta vie à ta place. Appeler Julie, ton épouse, pour t’excuser de ton comportement, prendre contact avec ton boss. Comme cette société au clip très flatteur et qui devrait peut-être délocaliser en Europe ses créatifs publicitaires.

- Je te trouve grosse. Voilà le chapitre qui aura le plus transformé ma vie AJ : ton projet honnêteté radicale, lire ici. Depuis je n’arrête plus de dire la vérité : Le monde est amour, je n’ai pas tiré la dernière fois, tu as une crotte dans le nez. Autant dire que mon cercle d’amis s’est considérablement réduit depuis le chapitre de ce livre. Mais cela tombe bien, je ne les aimais pas en fait.

- Mes 240 minutes de célébrité. Où tu te fais passer pour quelqu’un que tu n’es pas mais à qui tu ressembles. Tu vas à une cérémonie de remise de prix et les gens t’accostent, te demandant des autographes, parfois aussi des orthographes parce qu’ils savent que tu es bon en anglais, tu te fais interviewer à la place de l’acteur en question. Et ce dernier, grand prince, t’envoie un message de remerciement pour l’avoir remplacé lui qui n’aime pas les mondanités. Un jour on m’a dit que je ressemblais à Madonna ou bien à Maradona, je ne sais plus cette portugaise parlait l’anglais comme une vache espagnole, mais je crois bien que dans les deux cas, se faire passer pour l’un deux paraîtrait un peu bizarre.

- Le projet rationalité. Notre cerveau est composé de deux parties, la partie 1 et la partie 2. La première est l’instinct, ce qui nous rapproche du néandertalien, rien qu’à écouter nos émotions, à taper d’abord et à poser les questions ensuite. La seconde est plus évoluée, elle rationalise, réfléchit, soupèse, pense. Pour résumé, le premier c’est l’homme, le second la femme. Pouf, pouffe. A la fin du livre, tu dresses une liste imposante de biais cognitifs auxquels nous sommes soumis donc celui-ci : le biais de corrélation illusoire. Explications. Quand nous sommes dans une file d’attente qui avance moins vite que les autres, on oublie toutes celles que nous avons empruntées, en les rendant à leurs propriétaires, repouf-pouf, et qui, elles, avançaient très bien.

- Le projet nudité. On vit mieux nu que pas. Où tu racontes que ton magazine, Esquire, a proposé à une célébrité, Mary-Louise Parker, (ci-dessous) qui joue notamment le rôle d’une lobbyiste des droits des femmes et de l’écologie dans la série A la Maison blanche, de poser nue. Elle accepte à la condition que tu fasses pareil. Tu ne te laisses pas démontrer, du moins avant la parution, et tu acquiesces. Applaudissements.

- Le projet mono-tâches. Au moment où j’écris cet article, je suis en train de boire un café, installé dans mon bureau, en écoutant MGMT, avec devant moi des dessins de mes filles que je regarde quand mon regard s’échappe de l’ordinateur, de temps en temps je vérifie mes mails, un instant je reviens… Oui, bonjour, très bien, pas de problème, bonne journée à vous. Une personne vient d’appeler, j’ai répondu, elle s’était trompée de numéro. Peut-être qu’elle a la maladie d’Alzheimer, peut-être qu’elle a fait un numéro au hasard pour entendre une voix chaleureuse… trouver des excuses aux gens pour leur comportement, vocaliser sa colère, permet d’atténuer le stress. Valable en toutes circonstances. Degré de dangerosité sociale : important si vous vocalisez dans la rue pour trouver une excuse au chien de votre voisin pour avoir sali le trottoir.

- Le projet soumission. Pendant un mois, tu t’es soumis à ta femme. Rien que pour cela AJ, je pense que tu dois aller tout droit en enfer, ce qui doit te rappeler ton année vécue à vivre selon la Bible. C’est donné un bâton pour se faire battre. Bien que ce projet ne me soit désormais plus possible, cela me semble difficilement acceptable de demander à un homme de se soumettre pendant un mois aux désirs, d’ailleurs finalement très matériels, utiliser la télécommande, faire le repassage, de son épouse. Degré de dangerosité sociale : hyper-important, cela bouleverserait la trajectoire de nos existences. (A mes filles : si vous lisez ce message dans une quinzaine d’année, dans une quinzaine d’années, j’ai dit, parce que vous n’en aurez pas eu besoin avant. Le projet soumission doit être votre priorité, vous saurez alors si l’homme que vous aimez vous aime en votre retour, ou bien s’il cherchait une mère de substitution).
L’année où j’ai vécu selon la Bible – A.J. Jacobs sélectionné dans Actualité et Culture

- Maintenant qu’on se dit tu, j’aimerais te remercier. Ton précédent bouquin m’était tombé des mains, trop de tohu-bohu*, le soir ou bien au chant du coq*, je te fais le bouc-émissaire*, le bouquet de misères, mais David contre Goliath* ne faisait pas le poids. Et c’est donc tel un chemin de croix* que j’ai lu le livre partiellement. Je cesse là mes jérémiades*, et ne vais pas pleurer comme une Madeleine *, ou m’en laver les mains*, rendons à César ce qui est à César*, et à Jacobs ce qui est à Jacobs, un véritable filon éditorial, basé sur l’expérience, c’est drôlatique et finement écrit. J’attends avec impatience la traduction de l’Encyclopédie de A à Z, où tu racontes comment tu as lu toute l’encyclopédie de A à Z, cela aurait-il un rapport avec le titre du livre ?

Joyeux Hanoucca

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29 août 2010

Massarotto est un pote à moi

Cher Cyril,

Alors que butais avec une grâce sans pareille sur le rayon humour de ma librairie préférée, votre livre m’est tombé dessus : « Dieu est un pote à moi ». Quelle idée !

« Je kiffe trop Dieu » ou encore « Dieu existe, je l’ai rencontré », voilà du titre super-vendeur. Mais « Dieu est un pote à moi », vraiment… C’est l’étiquette blanche « Sélection de Noël » qui a attiré mon attention. Qui avait bien pu coller ce sticker sur la couverture ? J’ai essayé de la décoller, mais c’est la couverture qui est venue à moi. Avec un gros trou dans la devanture, rien à voir avec le premier métier du héros, difficile de ne pas, en raison de mon sentiment de culpabilité très judéo-chrétien, de replacer le livre dans son rayonnage. Va pour ce livre, ce ne sera pas le dernier que j’achèterai par hasard ou coïncidence. Et puis le trou dans la couverture montre la première page du bouquin, « bien sûr que j’existe », dit Dieu. Ce ne serait pas un peu une tautologie, ça. Je parle donc j’existe, ou un truc du genre.

Et puis cette comparaison avec Ophélie Winter, c’est un peu osé, non ? Passons, les voies de l’écrivain sont impénétrables. En l’an 0 après Dieu, la trame se met en place. C’est l’histoire d’un mec qui devient pote avec Dieu mais dont Dieu sait tout parce que c’est lui qui l’a créé. Pirouette, cacahuète. Dieu prend la mauvaise habitude d’apparaître à n’importe quel moment, dans n’importe quelle position, je vous en prie, dans n’importe quel accoutrement. Juste comme cela, juste pour voir son pote que l’on ne sait même pas comment il s’appelle sauf que c’est pas Judas, car lui il ne trahit pas ses amis. Et puis, va pour la vie. Le héros fait la rencontre d'une femme, Alice, youhou, dans un sex-shop. Elle est en thèse, il est en transe. Cela s’appelle la destinée. Ils sortent ensemble, commencent à s’aimer, se l’avouent, ont un enfant, c’est joli, elle meurt, c’est triste, et puis il n’arrive pas à l’oublier, s’occupe de son enfant qui grandit. Se noie dans le lit des femmes avant de se décider à passer le reste de sa vie tout seul. Et puis il meurt en l’an trente, le regard embué de noir alors que Léo, son fils, vient lui présenter sa petite-fille. Voilà venu le temps de la question fatidique. Il répond « oui », comme tous les hommes. Parce que cela en valait la peine, parce que cela lui aurait fait de la peine. « Dieu est un pote à moi » est un pote à moi.

PS. Je vends un livre, état presque neuf. Un léger renfoncement sur la couverture cabossée. On peut voir à l’intérieur, grâce à ce judas d’opérette, non-déformant. Garantie sans mauvais œil. S’adresser à l’accueil.