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24 août 2010

Comic book

Bonjour Michaël,

Pour tout dire, on nous a souvent confondu. Mikaël Cabon – Michaël Chabon, c’est presque pareil. Plusieurs fois on m’a demandé, vous êtes bien « Michaël Chabon ? ». Je répondais « oui » avec aménité mettant sur le compte de l’accent chuintant qu’ont certains auvergnats en ouvrant la bouche ce trouble lexicographique.

J'ai découvert son écriture avec Renégats mais Renégats est tellement dense qu'il y aurait eu de quoi faire plusieurs tomes. Déjà j'étais séduite par l'écriture mais on aurait aimé en savoir plus sur les personnages. Et donc quna dj'ai attaqué Waylander ce fut un choc! La puissance de l'écriture de Gemmell se développe au fil des pages, sa façon de nous faire découvrir et aimer ce personnage de Waylander est franchement magique! Waylander, un assassin, un homme sans état d'âme...du moins le croit-on, un homme sans attache, sans passé, sans rien de ce qui faut généralement les héros. Et vous savez quoi? Gemmell arrive à nous faire aimer cet homme, à nous y attacher, à nous lier, nous lecteur, à son destin. A partie de là, vous êtes fichus! Impossible de lâcher le roman, Waylander c'est pire que la drogue. On en veut encore et encore!

En un mot:

FA-BU-LEUX!!!!!!!!!!!

Un personnage principal hyper complexe et attachant, des personnages secondaires passionnants qui gagnent en épaisseur au fil des pages. Une histoire pas manichéenne du tout, pas un moment de répit, une fin pas holywoodienne. Tout ce que j'aime dans un roman.
Je comprends pourquoi autant de gens encensent Gemmell. Je comprends aussi pourquoi Waylander est un de leur héros préféré (et vraiment héros c'est parce que je ne trouve pas d'autre mot parce que c'est loin d'en être un justement!).
Ca c'est de la littérature fantasy de haut vol!!!!!

A lire absolument!

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24 août 2010

Où le tracteur trace le sillon

Chère Marina,

Je regrette de ne pas avoir rencontré votre nom plutôt. Samedi dernier, j’étais à un tournoi de Scrabble des noms propres. Et oui, chacun ses loisirs. En mot compte triple, et avec les sept lettres qui forment un scrabble, vous valez 152 points. 152 points, c’est le nombre de points qui me manquaient pour gagner le tournoi et gagner un napperon brodé avec mon nom dessus.

J’aurais ajouté le vôtre dessus. Le titre de votre roman est étonnant « une brève histoire du tracteur en Ukraine ». Et de fait, on apprend des choses sur l’importance du tracteur dans une économie moderne. Sans tracteur pas d’agriculture performante. Sans agriculture performante, et donc moins gourmande en main d’œuvre, pas d’exode rural, pas d’industrie, pas de services, pas de Facebook et de Twitter. Deux heures de lecture gagnées chaque jour. Pour votre prochain livre peut-être.

Et si l’on parle de tracteur dans votre livre, c’est que l’un des personnages central, Nikolaï Mayevska, gros score au scrabble aussi, écrit un traité sur l’histoire du tracteur dans son pays natal. Lui, vit en Angleterre, mais éprouve une certaine nostalgie en repensant à sa vie d’avant.

Mais là n’est pas l’intrigue, et je vous soupçonne, le KGB me renseignera, d’avoir pris pour prétexte cette histoire du tracteur comme fil conducteur du bouquin rien que pour le titre qui attire l’attention sur les linéaires des librairies. En anglais, votre langue d’écriture, c’est le même titre, mais en anglais of course.

tracteur

Nikolaï est octogénaire mais a les hormones qui le démangent. Il veut se marier avec un stéréotype, une ukrainienne, forte poitrine, yeux bleus, grande, gourmande, il aurait été au bordel, cela lui aurait coûté moins cher. Mais voilà Nikolaï est un sentimental. Il l’aime, elle dit l’aimer. Ils se marient. Patatras. Voilà que l’histoire ne déroule pas aussi bien que prévue. Les filles de Nikolaï s’en mêlent pour sauver leur père. Elles y parviendront. On sent quelques langueurs monotones des sanglots longs de l’automne au cours de votre livre, Marina. Mais sans que l’on soit dans un thriller comme Savemore, dont je vous parlerais bientôt, qui s’avale comme un litre d’eau dans le désert, il y a une histoire, sérieuse, jamais vraiment drôle, mais honnête. C’est bien là ce que l’on peut exiger d’un livre. C’est ce que vous nous donnez. Bravo. Neuf points.

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16 août 2010

La vie en dix femmes

Ni ton woa ma ? (Me reconnais-tu ?). William-Jean-Baptiste a bien des difficultés à être reconnu. Non pas que son physique soit ingrat mais sa profession de clappeur, celui qui fait lever les foules, rire les spectateurs, pleurer le public, ne lui donne que peu de loisirs pour qu’apparaisse sa singularité. Alors il part suivre sa route, chercher non pas à être connu, mais reconnu. Dix femmes borneront son chemin.

Agathe. D’origine brésilienne, elle ne porte pas de sous-vêtements, pas encore. William-Jean-Baptiste la met enceinte un soir et la transporte le jour de l’accouchement dans ses bras jusqu’à l’hôpital. Là il dérobe son enfant, une heure après sa venue au monde. Direction Béatrice.


Béatrice. Cette infirmière rousse était présente la veille au soir lors de l’émission où William-Jean-Baptiste clappait. Il lui avait ramassé sa photo dédicacée de l’animateur de ces dames-dames-dames. Dans l’hôpital où l’enfant naît, elle se souvient de la photo pas de celui qui l’a ramassée. Il doit continuer son chemin.
Carla. Il l’a rencontrée sur un trottoir de Paris. Elle, la gérontophile. « Ce qu’elle préfère en [lui], [son mari], ce sont les années qui [les] séparent ». Sur un banc du Jardin des Tuileries, William-JB l’attend avec son enfant, emmitouflé dans un vieux numéro de l’Equipe. L’enfant a faim, elle lui donne le sein en plus de celui qu’elle tend au sien. Acharnement thérapeutique rencontre l’Astronome. Bu ton. Elle ne le reconnaît pas. Passons, partons.

Denise. Cette professeur de dessin ne prend le train que quand il pleut. L’eau a de la mémoire et donc le souvenir de celle qu’elle était plus jeune. Elle scrute dans les gouttes qui s’écrasent sur les vitres du TGV son visage passé. Lui, son ancien étudiant, l’a appelée pour qu’elle se joigne à son voyage. Mais, ses souvenirs sont ceux des dessins pas des dessinateurs. On efface, on gomme.

Edelburge. A Bruxelles, on peut tapiner en vitrine. C’est le métier d’Edelburge. William-Jean-Baptiste la revoit dans la gare de la capitale européenne. Elle compte 27.375 amants de plus que lors de leur première entrevue. Elle lui propose le gîte, il prend le couvert et s’endort, près d’un tableau de Toulouse-Lautrec. Mais sa spécialité n’est pas le visage. Changeons de trottoir.

Fidji alias Gwi-Lan ©. L’alcool fort des restaurants chinois guérit des maux de vente autant qu’il en provoque. Il guérit aussi les âmes solitaires. Dans son verre de Mei-kuey-lo, William-Jean-Baptiste l’aperçoit se dénuder quand le verre est plein, puis se rhabiller quand le verre est vide. Ah souvent les femmes varient. Ne pas oublier, rejoindre maman.

Héloïse. Frêle esquisse, Héloïse est timide, de celles qui attendent le prince charmant mais qui, une fois celui-ci revenu triomphant des dragons ou des droïdes, ne peuvent plus prononcer un mot. WJB la retrouve, pénètre dans son appartement, lui parle, lui rappelle l’été de leurs cinq ans, où leur alliance des faibles, lui le bègue, elle la muette, n’avait su triompher de la méchanceté juvénile de leurs camarades. Est-ce qu’un bègue bégaie quand il pense ? Le temps de réfléchir, il est re-re-reparti. Absence de répartie.

Irène. Sur le bord de la départementale, Irène cultive son amantier. Un drôle d’arbre où les feuilles ne sont que des radiographies des poumons de ses patients. Elle découvre à Will.J.B. une bronchite du nourrisson et une fleur à quatre pétales, deux de l’aventurier et deux de son passager clandestin. Reconnais-tu ma radio ? Quelle fréquence ? Toussotons.

J…. Au cimetière, W. tombe sur un os, plusieurs plutôt. Ceux de sa mère, bien tranquille dans sa tombe. Te souviens-tu de ton fils, maman. Je n’ai plus d’yeux pour voir et je suis morte en couche. Je ne t’ai jamais vu mais toujours aimé mon garçon. Trépassons.

Kiki. Depuis la fin de sa carrière, une femme morte en couche pour cause de mauvais branchement des…. da part, Kiki en boit beaucoup. Virée sitôt commise son erreur, non elle n’a pas souvenir mais quelques pièces à lui donner. Le téléphone sonne.

Lune. Un drôle de personnage frappe à sa fenêtre. Elle a cinq ans. Le temps qu’il a passé à l’hôpital pour soigner ses fractures. Il lui tend un poignard en plastique en guise de cadeaux. Elle refuse. Je suis une fille moi, et ton cadeau, c’est un cadeau pour garçon. Co-co-comment ? Son fils est une fille. Il tombe de la gouttière. Chutons.

Agathe again. Nu comme un roi, William-Jean-Baptiste s’enfuit et un camion le percute. Ses yeux se ferment. Mais je te reconnais moi, dit la maman de Lune. Trop tard, l’artiste est mort.

8,30
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16 août 2010

Maudit Karma, bienheureux livre

Cher David,

Quand on pense d’ordinaire à la littérature allemande, on l’entrevoit aussi roborative qu’un flammenküche en hiver. Comme si dans notre éventail de préjugés, l’Allemagne se conjuguait nécessairement avec lourdeur et force figures géométriques. Il n’en est rien dans votre livre. Est-ce alors l’exception qui confirme la règle? C’est une question dont la réponse attendra une autre vie. Comme celle qui attend votre héroïne, Kim. Kim présente une émission à la télévision allemande. Elle est célèbre et imbue d’elle-même, l’un étant bien souvent la conséquence de l’autre. Un jour improbable où elle s’apprête à recevoir un prix pour son œuvre, elle est écrasée par un lavabo tombé de la station spatiale russe Photon M3. Sous le choc, elle meurt. C’est ce que croit en tout cas son entourage. Car en effet, et c’est le nœud de votre intrigue, David, elle se réincarne au plus bas de l’échelle, à savoir en fourmi. A elle maintenant de remonter l’arbre de la création pour regagner sa place parmi les êtres humains en faisant le bien. Ainsi, Kim sera fourmi, puis en cochon d’Inde, vache, ver de terre, doryphore, écureuil puis en chien, puis en Maria, une grosse femme. Comme souvent, c’est quand le bonheur et l’essentiel se sont échappés que l’on se rencontre de leur importance. Kim n’y échappe pas. Pour pouvoir reconquérir le cœur de l’homme qu’elle aime et retrouver sa fille, elle doit faire le bien. Pas si facile quand on a pris l’habitude de ne penser qu’à soi.

On pourrait, sans lire entre les lignes, que ce roman n’est qu’une ode à la réincarnation, avec Bouddha dans le rôle du guide, et Casanova, qui suit Kim dans ses pérégrinations comme le farceur de service. Il n’en rien. Car c’est l’égoïsme et ses ravages qui sont au cœur de l’histoire comme, trop souvent, au centre de notre société.

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16 août 2010

Le livre de Makine on l'aime ou on le quitte

C’est un petit livre qui se lit d’une grande respiration. C’est un grand livre qui donne du baume au cœur. En rédigeant « Cette France qu’on oublie d’aimer », Andreï Makine dresse une ode au pays qu’il a adopté, au pays qui l’a accepté. L’histoire commence à Sainte-Radegonde de Jard, où le monument aux morts de la commune offre, comme dans nombre de ses semblables, une litanie de noms d’hommes et de femmes « morts pour la France ». Avec ces noms de soldats ordinaires, Makine s’interroge sur « cette France lointaine et mystérieuse dont je rêvais, enfant (…) ». Et d’évoquer Georges Clemenceau, cet homme politique du début du 20ème siècle à l’humour affuté, qui demanda à être enterré debout. « Pour avoir un vécu digne de l’histoire, un pays doit se transcender dans un défi méta-historique de l’esprit. Clemenceau qui a été remplacé, à la présidence de la République, par M. Deschanel qui a eu, un jour, le charmant caprice de quitter son train en pyjamas. Ainsi va l’histoire. Tandis qu’au château de Colombier veille toujours un soldat dressé dans sa tombe. Ainsi va l’esprit », assène l’écrivain. Et de citer le cahier des charges de la francité en reprenant Bernanos : « Bon sens : exclusivité française, avec l’élégance, l’esprit, la galanterie, et d’une façon générale, le génie ». Et d’évoquer le français, pendant longtemps langue de l’Europe, langue du monde, dont certains voudraient voir l’abandon pour se livrer, tels les bourgeois de Calais, à l’Anglais et sa force vernaculaire sensée percer tous les barrages de la communication internationale.

« Comme Hugo sur son île »

« En adhérant à la francité, on obtenait l’accès à un monde intellectuel et artistique d’une richesse et d’une productivité sans égales. En renaissant dans cette langue (car il s’agit bien d’une seconde naissance), on recevait en héritage les trésors des plus dynamiques des cultures », analyse ce russe de naissance et ce français de cœur et de raison. Makine fustige la pensée unique qui oblige à ne pas se saisir des questions essentielles de l’identité nationale, au sens non partisan du terme, et se laisser berner par le mirage du communautarisme comme remède aux maux de notre société. « Et si on pouvait se relever et parler à voix haute ? Comme Voltaire à ses meilleures heures. Comme Hugo sur son île ».

C’est de la décadence des idéaux de la France, humaniste, républicaine, universelle dont Makine dresse, en filigrane, le portrait, appelant l’écrivain De Gaulle à la rescousse, « Maintenant que la bassesse déferle, ils regardent le Ciel sans blêmir et la Terre sans rougir ». Si le livre est écrit en 2005, alors que déjà, des événements violents bousculent les banlieues et s’adresse clairement à celui qui présidera la France, il ne perd pas de son actualité aujourd’hui. « Si vous n’êtes pas Français, soyez digne de l’être ».